Le dernier numéro de Vivre au Jabron va être rapidement distribué dans vos boites aux lettres...
Voici l'édito...
Pour peu que l’on en découvre les chemins secrets - l’on sait combien la Vallée est sauvage et singulière - des lieux insolites s’offrent en dehors même des balades, promenades et randonnées. Il faut savoir les rechercher, discrètement, dans une logique géographique du passé parfois toute chamboulée. Peut-être n’y trouvera-t-on pas, comme dans les cimetières perchés, de dates et de noms de passants de l’ancien temps, ou des traces géologiques, ou un circuit historique comme dans le Hussard sur le Toit, mais le regard peut percer l’invisible et y découvrir une sorte de domaine enchanté pour lui seul. Des lieux insolites, donc, presque cachés, presque clandestins. C’est par la sensation de la quête qu’il va falloir faire chanter le mystère. Après tout, même ensemble, chacun chasse seul dans ses bois, chacun en revient émerveillé.
On tient l’automne entre ses mains, on se glisse avec lui dans des cloîtres d’ombre et de lumière, et l’on va voir. Derrière un ruisseau, un muret de pierres, un bosquet, on pénètre le monde. Ainsi, il y a dans la Vallée des manufactures désaffectées dans des champs oubliés, des clairières de fleurs, des ruines, des communautés particulières, des chapelles, des grottes
accrochées à la muraille de l’ubac ou de l’adret, toutes sortes de choses que l’on croit closes sur elles-mêmes.
Des toits, au loin, couleur de châtaigner ou de marmite brûlée, dont on ne sait à qui c’est, des ermitages, des tanières improbables, des refuges, des trouées dans la réalité. La menace des routes est bien loin.
Pour qui a la chance de pouvoir parcourir les pentes et les sentes, mettre ses pas dans l’empreinte de la Vallée, le chant du mystère l’entraîne là, où il n’est nul besoin de cartographie, où l’on ne se demande même plus quels mots charrient les échos. Pas d’écriteau. Des oiseaux arriment leur vol, l’air, les heures mènent à d’autres rives, une colline chavire sur une autre, des reflets nacrés, des pétales de brume jouent dans les pourpres d’automne, le renard vient, ou quelques humains. Et la rencontre se fait. En cette saison de feuilles, le livre d’André Bucher, “Un court instant de grâce”, tombe d’ailleurs à point nommé pour nous parler de ces endroits d’où naissent un songe, une pensée, une volonté de résister face à la fragilité de l’existence. Un livre sur le devenir d’un lieu privilégié. Un livre pour la rentrée, à travers lequel l’on peut saluer la Vallée.
CR