Si l’on prend en profondeur le parti des choses, le PAIN donne leçon de vie, rituelle, ancestrale. Humble est sa base - farine et eau - et voici le temps béni du fournil. De la belle oeuvre boulangère. De la mission jour après jour accomplie. Pour des gens, par des gens. Ensuite, un simple geste suffit, prêt au miracle, pour dans la rupture de la craquelure humer une philosophie. Un simple mot aussi, surgi du bas latin, “companio”, - rempli de sens et d’unisson - offre la main amie qui partage le pain, augmentant l’âme d’un élan.
Au-delà des mots - pour trancher sur l’objet dico - le pain quotidien se métamorphose alors en un moment symbolique. C’est comme tenir la genèse du monde dans le creux de la main : la terre et le blé, l’eau qui lie, l’air pour le ferment, puis le feu, fervent. Les quatre éléments…
L’instant est bon à savourer, où l’or des blés se niche, et le vieux soleil qui recrée, et le coeur qui a travaillé. Répétition immémoriale. La vie a cette forme chaude, bonne, sensorielle, goûteuse, multipliée, qui fait lever un bonheur aérien comme de la poudre de perlimpinpin. On en met le nom dans la bouche, le regard au ciel. Rien ne fera passer le goût du pain. De cette croûte terrestre à la voûte céleste, il n’y a pas loin…
Mais brisons-là. Tout fait trop signe aux étoiles le long des sillons du Jabron. C’est l’automne. Lisons le journal. Nous avons du grain à moudre.
C.R.