Le dernier numéro de Vivre au Jabron va être rapidement distribué dans vos boites aux lettres et sera disponible dans les mairies...
Voici l'édito...
À tant battre du cœur lorsque la beauté se lève, en attente de l’aube et de la lumière pour qu’à la croisée des matins, la forêt, la montagne, la rivière, les villages redessinent leurs lignes, leurs courbes, leurs treillis géométriques ou fouillis de lacis, on en oublie la date du jour et le travail à faire. On attend qu’apparaisse à nouveau la Vallée, dans son réel, la preuve qu’elle n’a pas largué les amarres pendant la nuit.
Les livres de l’écrivain André Bucher en parlent, soulèvent les coins du voile, s’enivrent d’espace et de vision, de la vie des bêtes et leur sauvegarde, montrent que le pays d’ici s’est modernisé sans que la poésie recule, tout en laissant entrevoir la complexité des aventures humaines.
Parfois, surgi d’un bois ou au coin d’une de ses pages, un cerf offre au regard un intense éclat de lui-même. Un éclat fauve et doré, comme au
creux d’un songe à la recherche d’un trésor caché. Il faut se blottir dans le silence de cette intensité, garder la pupille ouverte, de peur de ne plus être invité dans l’émerveillement.
Veillent la lune, les heures bleues, où les arbres, fous d’oiseaux, chantent le poème du Jabron…
Un besoin inouï, aussi, de promener dans des rêveries intimes, de nicher ses pas dans une géographie à soi - itinéraires uniquement personnels
au hasard de désirs de roches et de sentiers, que l’on ne nommera pas - dans une « carte du tendre » à dérouler, en quelque sorte. On a le cœur
simple : il suffit d’un petit bout de pré ou de verger sauvage, une piste forestière, un châtaigner bienveillant, un méandre étincelant - dont on
voit trembler dans l’eau les lunules argentées comme poissons d’argent -, un petit rocher celtique qui livre ses origines - le temps se met alors
à reculer dans l’ancien temps - … et l’on fourre ses chemins dans sa poche en explorant l’esprit du lieu. Ce sont des chemins qui marchent,
nous emmenant dans leurs caprices et circonvolutions, diurnes et nocturnes, régnant en leur royaume. On a beau se confronter sans cesse à
la tragédie du monde, à laquelle les médias tendent à nous habituer, on a encore nos refuges, nos paysages secrets, nos moments d’amour, de
calme et de paix...
N’oublions pas le ciel, qui multiplie ses envolées et ses surprises, qui consacre des heures à étirer ou remanier ses nuages jusqu’à leur donner
visage humain, ou figure de monstre, ou contour de château-fort… pour nous amuser. Le vent a l’art - surréaliste - de la paréidolie*. Il orchestre
pour nous ses enchantements.
Ainsi, chemin faisant, peut-on affûter ses perceptions, sentir les vibrations, percer quelque mystère. Peut-être même quelque mystère de soi.
Rien de plus passionnant que l’indicible. « Nos vies sont de l’étoffe dont sont tissés les rêves », écrivait Shakespeare il y a des siècles.
Dans l’écoulement des jours comme dans l’évidence de l’enfance qui demeure en nous, il faudrait inventer une ode à la chorégraphie qu’organisent les astres au fil des saisons, leurs lumières tournantes autour des maisons et des gens du Jabron… et une manière de vous dire au revoir.
Note : Par chance toujours, quelqu’un prend la relève et le Journal suivra encore son voyage au long cours.
Ce quelqu’un est poète et jardinier. Il s’appelle Gaston. Le voilà qui va donner la main aux feuilles qui s’écrivent avec l’aide de toutes et tous,
des deux Catherine et Bernard N.
Au revoir, donc.
Cordialement, Corinne R.
*Paréidolie : Une forme d’illusion visuelle ou sonore qui identifie des formes familières humaines ou animales dans une souche d’arbre, un nuage,
une tache d’encre une voix humaine...