Pour célébrer "la fête des pères",
je vous propose de retrouver le mien...
Nous allons continuer à suivre ce jeune homme,
lancé dans la guerre...
Abattu le 19 mai 1940,
il est fait prisonnier le 24 mai à Boulogne sur mer...
Et de là, commence sa longue marche...
24 Mai Boulogne
Nous essayons encore de nous défendre pendant toute la journée, mais le soir nous sommes obligés de nous rendre.
Nous sortons de la ville et sommes cueillis aussitôt à 19 heures 30.
Nous sommes très bien reçus contrairement à toute attente. Nous sommes obligés de nous rendre compte que la brutalité des soldats allemands est un mensonge.
Heureusement que nous avons mangé un peu avant de nous rendre, car comme prisonniers n’avons pas de dîner ce soir.
25 Mai Boulogne - Desvres
Nous partons, à pieds, vers une destination inconnue.
En route les soldats allemands nous donnent du tabac, à boire et même du pain.
Autre mensonge, celui qui veut que les Allemands n’ont rien à manger, ils sont tous en pleine santé et ont des couleurs superbes.
Nous dormons dans le stade de Desvres sous la pluie.
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Après le ravitaillement nous reprenons la route
La route est longue, mais en chemin nous trouvons à boire, les soldats qui nous encadrent sont très gentils et aucun n’a de geste déplacé ou brutal.
À Hesdin, nous sommes ravitaillés en pain. Nous couchons sur la paille. Mes pieds me font très mal.
27 Mai Hesdin– Frévent
L’étape est courte mais très dure pour moi, j’ai mal aux pieds et les cuisses en feu. Je suis obligé de m’arrêter plus d’une heure en route et Le Guillon reste auprès de moi. Nous repartons parce que nous risquons de nous faire descendre si nous ne pouvons plus marcher.
Nous dormons sous la pluie. Nous entendons le canon au loin vers le sud ouest ce qui nous donne un peu d’espoir
28 Mai Frévent – Foncquevilliers
L’étape est longue mais à cause de la pluie elle est vite faite. Nous sommes mis à l’abri et avons un repas chaud.
Nous couchons sous un préau d’école où nous sommes lamentablement entassés.
Les chançards arrivent à acheter du vin, de œufs, du lard, mais je suis naturellement un des derniers à m’en apercevoir et ne réussi plus à acheter quoi que ce soit.
29 Mai Foncquevilliers – Ligny Thilloy
Après les 20 kilomètres faits à allure folle, avons un « bon » repas chaud et du pain de seigle.
Nous dressons notre tente dans un champ .sous un tonneau à purin où nous sommes très bien.
Nous attendons jusqu’au soir pour avoir un peu d’eau. Nous sommes bien trop fatigués pour penser. Le tabac diminue très rapidement.
30 Mai Ligny Thilloy – Cambrai
Les 32 kilomètres sont avalés de 7 heures 40 à 15 heures 15 et personne ne se plaint de mal aux pieds.
Enfin une caserne et des paillasses.
J’écris à ma femme et à ma mère, mais les lettres ne partiront probablement pas.
31 Mai Repos à la caserne de Cambrai.
Journée de repos agréable où mes pieds pourraient se reposer un peu si nous n’étions obligés de faire des heures de queue pour avoir un peu de soupe et un morceau de pain.
Réussissons à manger le midi et le soir. Sans regarder notre captivité comme une villégiature nous l’envisageons avec sérénité, sachant que la France gagnera quand même et nous retirera assez vite de cette situation.
Jusqu'à présent il y a avec moi : Le Bihan, Le Guillon, Monteiller, Rousseau et deux matelots de l’escadrille.
1 Juin Cambrai – Catillon
L’étape est faite à une moyenne formidable. Mais il commence à faire sérieusement chaud. Le moral est toujours bon.
Dans la soirée aussitôt après le souper nous partons en camion à Avesne où l’on nous héberge dans une filature de laine. La laine nous fait de bons matelas.
Perdons les autres il ne reste plus que : Rousseau, Monteiller, Le Guillon et moi-même, nous avons perdu Randant depuis Frévent.
2 Juin Repos à Avesne
Nous commençons la journée avec du café sucré et du pain.
Nous restons au repos dans la filature qui nous sert de camp pendant toute la journée et nous avons la possibilité de nous laver.
3 Juin Avesne – Rance (Belgique)
Nous traversons la frontière à midi.
Nous rencontrons un champ de bataille de tanks, une dizaine de chars démolis français et allemands dont un char français de 40 tonnes « Indochine ».
Soupe le soir.
Note : Pour ce qui sont curieux, suivre ce lien...
4 Juin Rance – Marienbourg
Nous passons par des patelins où nous trouvons à acheter du beurre, nous mangeons très bien.
Le soir nous campons dans une tuilerie et manquons nous faire tuer par les murs de briques que nous avons élevés pour nous protéger du soleil.
Nous voyons quelques morceaux de viande nager dans la soupe.
J’ai réussi à avoir un morceau de savon.
5 Juin Marienbourg – Doische
Il fait encore plus chaud que d’habitude. Mon coup de soleil sur le nez me fait beaucoup souffrir.
Nous dormons au son des chansons des soldats allemands qui campent à côté de nous.
Nos ventres creux sonnent un air triste.
6 Juin Doische – Beauraing
Nous passons par Givet en France. Réussissons à Beauring à acheter ½ livre de viande pour 50 francs. Nous faisons la soupe. Les trois matelots crèvent de faim pendant que ma graisse intérieure en fondant me sustente.
Nous trouvons énormément de monde en arrivant. Nous sommes volontaires pour repartir dés demain car l’eau est rare.
7 Juin Beauring – Jemelle
C’est probablement la dernière étape à pied.
Sommes obligés de faire de longues haltes parce que nos jambes commencent à flancher.
En route souffrons de la soif mais à Rochefort nous trouvons de l’eau à foison. Prenons un bain aussitôt arrivés et je peux enfin laver ma chemise.
Je rêve de croix de guerre et de fourragère verte.
Note : il aura les deux, la Croix de guerre et la fourragère...
8 Juin Jemelle- Champion
Après la soupe à 12 heures départ pour une promenade surprise de 2 kilomètres qui en réalité en fait 30 et nous mène à Champion à 20 heures30
Nous recevons du pain frais et un bon morceau de lard fumé, et nous faisons une soupe de pommes de terre à nous quatre.
La nuit est très froide où nous ne sommes guère abrités par notre tente.
9 Juin Champion – Bastogne
Marchons lentement, ce qui nous évite trop de fatigue bien que ce soit encore la dernière étape à pied, d’ailleurs nous campons à côté de la gare, ce qui augmente un peu notre espoir. Je lis un petit bouquin qui parle d’aviation et d’amour. Avons une visite nocturne des avions français ou anglais.
Nuit agitée par les tirs de
10 Juin Repos à Bastogne
Avons du « jus » et en allant le chercher je rencontre mon camarade Klapper qui est interprète ici, il me fait avoir du tabac.
Journée très calme de grand repos, je continue de lire.
Faisons deux excellents repas. Le soir on sort un poste de T.S.F. pour nous faire écouter le discours du « Duce » au sujet de l’entrée en guerre de l’Italie.
11 Juin Bastogne – Clervaux (Luxembourg)
Branle-bas à 4h du matin, marchons accompagnés de très braves gardiens.
Route assez bosselée. Entrons au Luxembourg où nous commençons par faire une halte d’une heure. A l’arrivée à Clervaux je me fais embarquer comme interprète. Les Allemands de là sont très gentils et se dévouent de façon admirable pour nous remplir copieusement le ventre. Leur lard est succulent.
12 Juin Repos à Clervaux
Les autres partent à 4 heures du matin, je reste avec quelques uns pour mettre au courant ceux qui viendront après nous.
Comme il menace de pleuvoir nous construisons un abri pour la nuit.
Toute la journée tranquille personne ne vient.
Faisons des pois au lard délicieux, et de la soupe de haricots que les soldats avaient en trop.
Journée très tranquille qui nous remonte sérieusement le moral, à cause de la gentillesse des gardiens.
13 Juin Clervaux – Pronsfeld (Allemagne)
Nous nous réveillons trempés malgré notre abri. Bon thé chaud et pain fromage pour commencer la journée.
Nous faisons les 40 kilomètres en car, et retrouvons les collègues là bas.
Nous avons une bonne soupe de riz et à 16 heures embarquement dans le train avec ravitaillement pour trois jours. Roulons jusqu’à la nuit, 60 à 70 par wagon.
Durant la nuit nous roulons plus vite.
14 Juin Voyageons toute la journée.
Bonne soupe chaude dans l’après midi et pain à Nuremberg. Nous ne souffrons de rien si ce n’est de la soif, l’étanchons après la prise de Paris et entrée des troupes allemandes. Tout est pavoisé dans les villes que nous traversons.
Traversons Bamberg au cours d’un orage qui permet de recueillir la pluie qui dégouline du toit du wagon.
Fumons les derniers brins de tabac.
15 Juin Voyageons toute la journée
Au matin réussi à avoir un journal à Ambitten.
Le voyage continue, sommes encore ravitaillés, un peu de « jus » en gare de Linz. À la longue le voyage devient pénible à cause de la chaleur et du manque de W.C.
Arrivons le soir et avons encore
Ce trajet aura duré 22 jours,
dont 20 jours de marche à pieds,
pour parcourir un peu plus de 400 kilomètres,
et 2 jours en train, pour parcourir 1000 kilomètres...
Partis de Boulogne ils se retrouvent
à côté de Vienne, en Autriche...
À partir de cette date commence la vie de camp …
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