L’association "Les amis de Paul Arène" a organisé une visite unique de la cathédrale de Sisteron ce mercredi.
Sylvain Roustan notre guide nous a fait découvrir quelques recoins secrets au rythme des lectures de contes de Paul Arène...
-------
Ce matin, La Provence en parle...

-----------------
Texte tiré de "Domnine"...
" Puis, le clocher ayant tinté, elle se rendit à l'église, antique édifice aux piliers trapus, aux sombres arceaux, et si noire qu'elle semble taillée, d'une pièce, dans un bloc de porphyre noir."
" Les dalles de la nef se trouvent en contre-bas du sol, Domnine, pour la première fois, remarqua et compta les quatorze marches intérieures, qui lui parurent glissantes et humides comme l'escalier d'un tombeau. Et, d'abord agenouillée devant la grille du maître-autel où se donnent les communions, pour la première fois aussi elle s'effraya de voir au-dessus de sa tête le dôme roman immense et nu, sans ouverture qui l'éclaire, et dont l'opaque nuit pesait sur son cœur, l'oppressant, comme un ciel mort, vide d'étoiles."
Un souvenir d'enfance lui revint. Elle se dressa et chercha la chapelle de Notre-Dame d'Espérance. Close d'une grille ouvragée, cette
chapelle, capricieux joyau du temps du roi François, et des retours païens d'Italie, avec sa voûte semée de lys d'or, ses clairs vitraux coloriés s'encadrant de colonnettes peintes, rayonnait, seul point joyeux dans la sombre église, et attirait comme un sourire.
Là, sur un autel précieux qu'ornaient en fin relief des grappes de raisins et des bouquets de rosés, une vierge, l'enfant au bras et moins mère de Dieu que femme, une vierge d'albâtre se dressait.
Elle avait la couronne au front, et, tombant à plis harmonieux sur sa hanche un peu relevée; une robe gravée de broderies en arabesques par l'ingénue fantaisie du sculpteur. Notre-Dame d'Espérance protégeait Rochegude, où sa beauté faisait des miracles. Domnine pria la belle image accueillante comme une amie, et l'image sembla lui dire ce que sa conscience disait :
— Soumets-toi, accepte la vie, rien ne t'empêche d'être heureuse.
Domnine écoutait; quand, soudain, au travers des nefs solitaires, le chant de l'orgue résonna, effarant les chauves-souris accrochées par milliers aux profondeurs du dôme, et un rossignol de muraille qui, après avoir inutilement cogné du bec et de l'aile aux gemmes vivantes des vitraux, vint doucement, comme en un miracle, se poser sur le globe que tenait Jésus. "
Texte tiré des "Contes de Noël"...
"La Fête des Morts !
Voulez-vous, à ce propos, écouter une de ces incroyables mais pourtant véridiques histoires qui, en dépit de la science et de ses obstinées négations, sembleraient prouver qu'un autre monde est par delà le monde visible et font éprouver aux plus sceptiques l'émotion du mystérieux ?
D'ailleurs, n'attendez pas de moi une opinion : je n'explique pas, je raconte.
La petite ville du Puy-Brun possédait, il y a quelques années, une vieille église classée comme monument historique, et un sonneur, Jean-Joseph Moutte, exerçant par surcroît les fonctions de sacristain.
L'église, jadis cathédrale mais découronnée depuis la Révolution de son chapitre et de son évêque, noire et vide, sans boiseries et sans tableaux et pour ainsi dire toute nue, paraissait immense avec ses trois nefs dessinées par deux rangées de lourds piliers romans, son dôme où le rayon d'un œil de bœuf mettait à peine un peu de jour, et ses chapelles latérales surbaissées et toujours obscures. Le sol, tout en l'entour, s'étant élevé au cours des siècles, on descendait par un perron intérieur de vingt marches dans cette église à moitié souterraine et les gens, même braves, n'y pénétraient pas sans un frisson.
Le sonneur était un ancien soldat, nullement superstitieux et médiocrement dévot, comme il arrive souvent à ceux qui, sans être prêtres, vivent de trop près dans la familiarité des choses de la religion.
La vieille église toujours froide, toujours assiégée par le vent, existe encore et semble vouloir durer ainsi jusqu'à l'heure du jugement, tant elle fut solidement bâtie; mais le sonneur n'existe plus, étant mort l'an passé, à la suite des circonstances que voici :
Pour les sonneries ordinaires, Jean-Joseph Moutte n'avait qu'à tirer de plain-pied la longue corde qui, passant par un trou dans la voûte d'un des bas-côtés, vient traîner jusque sur les dalles. Mais pour les glas de première classe, où tinte la grosse cloche, Jean Joseph Moutte devait monter dans le clocher.
Or, il faut savoir que, le matin du jour des Morts à cinq heures, c'est -à- dire tandis qu'il fait encore nuit, la coutume est de sonner le glas de première classe.
Jean-Joseph Moutte, quoique ancien soldat, n'aimait pas beaucoup traverser ainsi l'église, à cinq heures du matin, tout seul, avec sa lanterne. Il le faisait pourtant quoique ce lui fût une corvée, entrant par la porte de la sacristie dont il avait une clé, coûtant de biais la grande nef, et gagnant l'étroit escalier du clocher qui s'ouvre dans le mur, à côté de la chapelle des fonts baptismaux.
(cet escalier n'est pas celui du clocher, qu'on ne peut pas visiter,
mais un des deux escaliers qui conduisent à l'orgue)
"
Et nous pouvons aussi admirer la cathèdre, surmontée d'un très beau panneau en bois doré, représentant la Trinité au dessus de Sainte Barbe et Saint Ignace de Loyola...
(pour la cathèdre, ne vous en faites pas, j'ai moi aussi découvert ce mot pendant la visite :-)...
Et on ne pouvait pas quitter la cathédrale sans admirer les deux crèches...
L'une, simple et dépouillée, devant l'autel...
L'autre, dans le pur style provençal, avec la Citadelle en fond...